Mayotte. Les défis du nouveau département
Mayotte devient officiellement aujourd'hui le 101edépartement français. Un changement de statut qui ne sera pas sans conséquences pour «l'île au Lagon» et les finances françaises, tant les défis économiques et sociaux sont énormes.
80.000 enfants à scolariser.
«Notre problème numéro un, c'est de faire face à l'augmentation des élèves, la pyramide des âges, on se la prend de plein fouet», analyse François-Marie Perrin, vice-recteur de cette petite île où 54% de la population a moins de 20 ans et où surtout la scolarisation n'est devenue obligatoire qu'au début des années90. Résultat, trois quarts des enfants entrant en sixième ne maîtrisent pas le français. Quant aux classes de primaire, elles sont saturées. Les 35.793élèves de CP au CM2 sont soumis à la rotation, faute d'établissements suffisants : certains ont école de 7 h à 12 h15, les autres de 12h30 à 17h15. De plus, 70% des 195 écoles primaires n'ont pas obtenu l'agrément de la Commission de sécurité.
Une Justice à réformer.
C'était l'une des conditions non-négociables pour que Mayotte devienne un département : la disparition de la justice cadiale, mêlant droit musulman et coutumier, au profit de la seule justice de droit commun. Et ce saut culturel, dans une population à 95% musulmane, n'est pas forcément évident à gérer. Concrètement, la vingtaine de cadis faisaient office de maire, notaire, officier d'état civil, médiateur et conseiller conjugal. Des attributions qui leur ont été retirées, mais que certains continuent d'exercer, notamment dans les villages isolés. «On n'a pas la naïveté de penser que les cadis ont cessé de célébrer des unions polygames parce qu'un décret est tombé», explique un magistrat. Mais pour d'autres domaines, comme les divorces, les femmes ont vite compris leur intérêt: le cadi statuait simplement sur la séparation, le tribunal statue sur la garde des enfants et surtout fixe une pension alimentaire.
Quel coût ?
Difficile de chiffrer le coût réel pour les finances publiques françaises. L'alignement des minima sociaux à Mayotte, où le niveau de vie est nettement plus faible qu'en métropole, se fera sur 25 ans. Mais dès 2012, RSA, allocations de parent isolé et de solidarité spécifique se situeront à environ 1/4de leur niveau en métropole ou dans les Dom. Une chose est sûre, les transferts nets de l'État sont déjà passés de 133 millions d'euros en 1995 à 400 millions d'euros en 2006.
Gérer les flux migratoires.
Le petit archipel est rattaché géographiquement aux Comores voisines, ce qui le soumet à une forte pression migratoire. La part des étrangers, attirés par l'«Eldorado» que constitue à leurs yeux Mayotte, est passée de 15% au début des années 90 à près de 41% en 2007. Plus de trois millions d'euros sont aujourd'hui consacrés à la lutte contre l'immigration.
Des craintes économiques.
Avec un taux de chômage à 26%, un cinquième de la population vivant sous le seuil de pauvreté, un PIB par habitant équivalent à un cinquième de celui en métropole, et petite économie insulaire et un faible potentiel, les marges de manoeuvre «paraissent très limitées pour contenir, sinon réduire, la dépendance de Mayotte à l'égard des financements de l'État et créer les conditions d'un développement économique endogène», écrit l'Institut d'émission des départements d'outre-mer.